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Virgil Murder

PUBLIUS VERGILIUS MARO : 70 B.C. - 19 B.C.

Virgil-murder

Virgile assassiné par Auguste : le dossier

 
I - Des poètes résistants


C'est bien à tort que l'hypothèse du meurtre de Virgile par l'empereur Auguste suscite l'incrédulité, voire le sarcasme, alors qu'en réalité le vrai problème ne serait pas de savoir pourquoi ce crime a été commis, mais plutôt pourquoi il ne l'a pas été plus tôt. Il existe en effet une incompatibilité absolue entre l'héritier de César, jeune ambitieux prêt à tout pour parvenir à ses fins, et le prêtre d'Apollon soucieux d'épanouissement spirituel, entre le citadin corrompu et démagogue, et le rural persuadé que la régénération de Rome passe par un retour aux valeurs ancestrales et une soumission aux lois divines et cosmiques ; n'oublions pas non plus que Virgile fut victime des expropriations décidées par Antoine et Octavien. Aussi, sous des dehors complaisants, voire serviles, le Mantouan se situa-t-il dès l'origine dans une opposition farouche aux entreprises de celui qui prétendait dompter Rome et fouler aux pieds ses libertés. Reprenant le flambeau de Catulle et de Calvus, eux-mêmes victimes de l'ire césarienne, il cache dans ses Bucoliques une violente dénonciation du "Jeune Homme divin", ainsi qu'il l'intitule en reprenant par dérision la flatteuse présentation que Cicéron faisait du rival d'Antoine dans ses Philippiques. Même hostilité de la part d'Horace, de Tibulle, de Properce et d'Ovide, laquelle s'exprime à la faveur d'un système d'écriture secrète - dénoncée par Vipsanius Agrippa sous le nom de cacozelia latens -, système que pénétrait largement le prince et qu'il toléra sans doute à la fois par jeu et parce qu'il pensait avoir plus à y gagner qu'à y perdre. L'heure du châtiment viendrait de toute façon. Festina lente était un de ses adages favoris. Dans le cas précis de Virgile, il fallait attendre au moins jusqu'à ce que l'Enéide fût achevée. Aussi suivit-il de très près les progrès de la composition de cet ouvrage, écrivant lettres sur lettres au poète à ce sujet, et exigeant de l'entendre en réciter de larges extraits. Lorsqu'il tint enfin SON épopée, il frappa. La disparition de l'auteur facilita les quelques manipulations textuelles nécessaires pour brouiller les pistes et compliquer pour le lecteur la détection de l'anti-Enéide à l'oeuvre sous l'Enéide (voir Bibliog. items n° 7, 8, 12, 17, 18 ; l'anti-Enéide). D'ailleurs, en se présentant comme le sauveur de l'Enéide que son propre auteur voulait livrer aux flammes, ne décourageait-il pas à l'avance toute tentative de lecture subversive ?


II - Un concours de circonstances (cf. Bibliog. item n°2)


Selon la version officielle, Virgile avait achevé l'Enéide lorsqu'il décida, au lieu de la publier, d'aller visiter les lieux où se déroulait une partie de l'action. Prévoyant de passer trois années en pérégrinations à travers la Grèce et l'Asie, il prit avant de s'embarquer la précaution de recommander à ses amis de brûler son poème au cas où il lui arriverait malheur. Arrivé en Grèce, il contracta une sorte de consomption après avoir voulu visiter la ville de Mégare sous un soleil de plomb (sole feruentissimo, écrit Suétone-Donat). C'est alors qu'Auguste, qui par le plus grand des hasards se trouvait à Athènes juste dans le même temps, lui persuada de rentrer avec lui en Italie. Ou bien faut-il croire, comme l'affirme Donat, que Virgile décida de renoncer à son voyage dès qu'il vit l'empereur, et avant même d'être malade ? Toujours est-il que le mal empira durant la traversée, entraînant le décès.

Plusieurs questions se posent :

a) Pourquoi entreprendre un long et périlleux voyage avant de publier une oeuvre à laquelle il ne manquait plus qu'une ultime révision ? Les lieux géographiques en question ne concernent qu'une minime partie du texte de l'Enéide, et leur visite n'aurait rien appris de plus au poète. Et puis, s'il pensait que l'Enéide était bonne pour le feu, que ne la brûlait-il lui-même ? S'il souhaitait la retravailler, était-ce le moment de faire du tourisme ?


b) Pourquoi visiter Mégare sole feruentissimo ? Virgile, qui résidait près de Naples, était accoutumé aux grandes chaleurs et n'aurait jamais commis une telle imprudence.


c) Il est difficile de penser que la rencontre entre le prince et le poète n'ait été que fortuite. Comment Virgile aurait-il pu ignorer qu'en se rendant à Athènes à ce moment précis il avait toutes chances d'y rencontrer Auguste ? Ici deux possibilités: ou bien il avait prévu d'aller aux devants de l'empereur rentrant d'Orient, ou bien celui-ci le convoquait. La première hypothèse est bien peu probable étant donné ce que nous savons du caractère de Virgile, mais dans un cas comme dans l'autre, pourquoi nos sources, évidemment contrôlées par Auguste, présentent-elles la rencontre comme une pure coïncidence ?


d) Pourquoi Auguste prend-il le malade à son bord, au lieu de le faire soigner sur place, où l'on ne manquait pas d'excellents médecins ? Comme de bien entendu, la traversée aggrava l'état du poète.


e) Autre coïncidence curieuse : Virgile mourut la veille de l'anniversaire d'Auguste.


f) Enfin, comment se fait-il que la disparition de Virgile n'ait donné lieu à aucun commentaire, aucun poème, de la part d'un Horace, d'un Properce, d'un Ovide (ne parlons pas de Tibulle, qui fut frappé dans le même temps) ? Un tel silence ressemble fort à un black-out.


III - Les preuves philologiques


- HORACE (voir Bibliog. item n°35) :


1) Le premier Recueil des Odes (livres I à III) fut publié, dit-on, en -23 (-22, peut-être), mais différents indices suggèrent que cinq pièces (sur les 88) furent ajoutées dans une seconde édition post mortem Vergili. Ces indices sont d'ordre numérique (par exemple, ôtées ces cinq odes, le premier livre comprend 800 vers au lieu de 876, le second 500 au lieu de 572) et architectural (couplages métriques ou thématiques, organisation des livres).


2) L'ode I, 3 souhaite bon voyage au vaisseau qui emporte Virgile vers la Grèce. Mais son seul voyage en Grèce, selon les biographes, fut celui, fatal, qu'il fit en -19. Dès lors, pourquoi ce poème consiste-t-il essentiellement en une formidable imprécation contre les criminels qui osent s'en prendre "au ciel même" ? Voilà ce que l'on n'a jamais expliqué.


3) L'ode I, 28 est l'une des plus mystérieuses. On débat sans fin pour savoir s'il s'agit d'un monologue ou d'un dialogue. Cette incertitude est bien le signe que le poème est crypté, et il restera indéchiffrable tant que l'on ne comprendra pas son enjeu. Les commentateurs n'osent pas regarder en face la joie maligne et l'impiété triomphante qui s'expriment dans la première partie. Mais tout s'éclaire si l'on considère que le locuteur, d'ailleurs appelé "le Marin" (référence à I, 3), n'est autre que le meurtrier de Virgile se réjouissant d'avoir éliminé son opposant haï, dissimulé sous le masque du fameux Pythagoricien Archytas (on sait que Virgile pythagorisait). La deuxième partie consiste en la réplique du poète, qui promet au "Marin" le châtiment divin.


4) Dans l'ode II, 6, Horace invite un certain Septimius à l'accompagner jusqu'à Tarente où il pleurera sur les cendres encore chaudes du "poète ami", i.e. Horace lui-même, selon les commentateurs, peu sensibles au mauvais goût. Notons que la ville de Tarente est fortement associée à Virgile (comme à Archytas), et que d'aucuns disent qu'il y est mort, et non pas à Brindes.


5) L'ode II, 9 cherche à consoler Valgius, ami intime de Virgile, de la mort d'un certain Mystès, trop vite assimilé à un petit esclave favori. Or, l'allusion finale aux récents succès romains sur les Parthes renvoie aux années -20 -19, et le nom même de Mystès convient parfaitement à Virgile, dont le nom (Vergilius) semble apparaître en anagramme dans tu sempER VRGES fLEbILIbVS (v. 9).


6) Dans l'ode II, 20, Horace semble s'auto-déifier sous la forme d'un cygne éblouissant, symbole de son immense gloire posthume. Une telle prétention ne lui ressemble nullement (Non ego, écrit-il) : comprenons plutôt que le Cygne, c'est Virgile, dont la présence référentielle est ici particulièrement forte (voir Bibliog. item n°25).


7) Dans le quatrième livre des Odes, publié quelques années après la mort du Mantouan, on trouve une pièce, la douzième, qui divise traditionnellement la critique entre ceux qui la croient adressée à Virgile le poète (Vergili, v. 13) et ceux qui, estimant qu'Horace n'aurait jamais employé ce ton badin et sentencieux pour s'adresser à l'auteur de l'Enéide, surtout par delà la tombe, se persuadent que ce Virgile-là ne serait qu'un homonyme du poète. Le débat pourrait se trancher par un simple artifice grammatical, car si l'on analyse Vergili comme un génitif déguisé en vocatif (sitim Vergili, et non sitim, Vergili), rien ne s'oppose plus à ce que cette ode sur Virgile s'adresse par exemple à Mécène, et la précaution prise par Horace ne peut qu'éveiller en nous toute sorte de soupçons, encouragés par les deux premières strophes, qui évoquent le crime abominable d'un Tyran.


8) L'épître I, 5, écrite sur un ton vulgaire et déplaisant, invite un mystérieux correspondant du nom de Torquatus à venir festoyer à l'occasion de l'anniversaire d'Auguste, lequel coïncidait à un jour près, on l'a vu, avec celui de la mort de Virgile. Atroce mauvais goût si la pièce fut écrite après l'événement, comme il y a toutes chances que ce soit le cas, ou même juste avant (M. J. McGann, dans son éd. de 1969, p. 87, n. 2 et D. H. Porter, in Latomus de 1972, pp. 79-81, inclinent à la dater de -19). Mais une analyse sans complaisance pourrait conduire à la placer sur les lèvres d'Auguste ordonnant l'enfouissement d'un crime d'Etat.


- TIBULLE (voir Bibliog. item n°37) :


On ne cherchera évidemment pas dans l'oeuvre de Tibulle des renseignements sur la mort de Virgile, pour l'excellente raison que les deux poètes disparurent dans le même temps. En revanche, cette coïncidence même, une de plus, devrait nous intriguer. Fatalité ou programmation ? D'ailleurs, autant nos présomptions concernant la mort de Virgile doivent nous amener à suspecter quelque mystère dans celle de Tibulle, autant la découverte éventuelle d'indices étayant l'hypothèse d'un assassinat du second viendrait-elle consolider celle d'un assassinat du premier. Or, ces indices existent bel et bien.


Tout devrait partir d'une réflexion sur le mot d'Horace qui, dans l'épître I, 4, compare Tibulle à Cassius de Parme, l'un des conjurés des Ides de Mars, et violent pamphlétaire anti-octavien, qu'Auguste fit mettre à mort. Incompréhensible pour qui reste au niveau superficiel de l'écriture tibullienne, cette comparaison devient lumineuse à mesure que l'on pénètre au coeur du système de codage mis au point par l'élégiaque, et qui repose essentiellement sur un procédé déjà utilisé par Catulle et repris par Horace, puis par Properce et Ovide, à savoir le changement non signalé de locuteur. L'ensemble des seize élégies qui composent les deux livres se répartissent secrètement entre deux locuteurs ennemis, Tibulle poussant même le perfectionnisme jusqu'à attribuer à chacun de ceux-ci le même nombre de vers, soit 624 sauf erreur.


Voilà pour le mobile du crime. Quant aux indices suggérant le meurtre de Tibulle, on peut en énumérer principalement quatre :


1) Horace, ode I, 3 (voir Bibliog. item n°28) : dans cette première pièce de dénonciation du meurtre de Virgile, Horace met puissamment à contribution l'oeuvre de Tibulle, mais il le fait d'une manière voilée, comme s'il violait un interdit.


2) Horace, épître I, 4 (voir Bibliog. item n°35) : il s'adresse à Tibulle comme à un mort, mais là encore il sauve les apparences par des artifices d'écriture.


3) Ovide, Amor. III, 9 (voir Bibliog. items n°35, 37)


4) Le pseudo-Tibulle (voir Bibliog. item n°30)


- PROPERCE :


Comme Tibulle, il utilise en virtuose le changement non signalé de locuteur, donnant secrètement la parole à Auguste pour nous le montrer sous son vrai jour. Les menaces pleuvent sur les poètes, Properce lui-même, mais aussi Horace et surtout Virgile, qui apparaissent comme des morts en sursis. Le meurtre de Virgile semble faire l'objet des pièces II, 34, III, 21 (voir Bibliog. item n°37), II, 26-27-28 et III, 7. Dans ces quatre dernières pièces, un calcul rigoureux préside au partage entre les locuteurs ennemis, constituant une preuve pour ainsi dire mathématique du bien-fondé des analyses proposées (voir Bibliog. item n°19).


- OVIDE (voir Bibliog. item n°35 et 40 ; pour Amor. II, 11-12, item n° 19; pour Fast., item n°20) :


Amor. II, 6 (noter aux vers 32-34 l'acrostiche PVM : Publius Vergilius Maro) ; II, 11-12 ; Met. III, 511-733 (Virgile sous Acoetès) ; V, 642-661 (Virgile sous Triptolème) ; VI, 412-674 (Virgile sous Philomèle) ; VIII, 159-168 et 183-230 (Virgile sous Dédale) ; Fast. II, 79-118 (Virgile sous Arion) ; Tr. II, 539-40 ; IV, 10, 51-54 ; V, 3, 27-30.


- PSEUDO-MOSCHOS : "Lamentation Funèbre en l'honneur de Bion" (voir Bibliog. item n°10)


L'argument central est que l'abondance des échos entre cette pièce anonyme et l'oeuvre de Virgile s'expliquerait mieux par l'influence de la seconde sur la première que l'inverse. Et des doubles sens dans le grec conduisent à penser que "Bion" fut assassiné.


- AUGUSTE FAUSSAIRE :


Toute sa vie Auguste a pratiqué la poésie. A vingt ans, en pleine guerre de Modène il lisait, écrivait et déclamait quotidiennement (Suét., Div. Aug. 84) ; plus tard, il s'essaya à la composition d'un Ajax, composa un recueil d'épigrammes, ainsi qu'un poème en hexamètres sur la Sicile (ibid.i 85) quelques jours avant sa mort, il improvisait encore des vers grecs dont il s'amusait à demander l'auteur (ibid. 98). On sait aussi qu'il se plaisait spécialement à contrefaire le style de Mécène pour se moquer de lui (ibid. 86 ; Macr., Sat. II, 4). Aussi, non content de tuer les poètes, il voulut raffiner encore sa vengeance en tentant de leur attribuer des vers de sa composition. D'une part, il rivalisait ainsi avec eux dans leur propre domaine, d'autre par il en profitait pour les ridiculiser, régler ses comptes avec eux, justifier leur élimination. Tout cela grâce à une "double écriture" grossièrement imitée de celle de ses victimes. On peut citer :


- du faux Virgile : le Culex en particulier (voir Bibliog. item n°23), outre plusieurs vers de l'Enéide (voir Bibliog. items n° 7, 8, 12, 17, 21 :

récapitulation in item n°27, p. 200 (ajouter V, 295-6 : cf. RBPh 72 [1994] 51)*; l'anti-Énéide). Les vers IX, 774-7, qui unissent Horace et Virgile dans une mort violente (sous les masques de Clytius et de Cretheus respectivement : cf. H. Morland, SO XLIII [1968] 57-67 et 102-112), peuvent être considérés comme une véritable signature de son crime par le criminel (cf. item n°12), l'équivalent du Poème 116 pour le Libellus de Catulle. Le prologue postiche de l’Enéide qui commence par Ille ego… doit aussi être versé au dossier comme un véritable aveu (Bibliog. item n° 31).


- du faux Tibulle : Tib. III et le Panégyrique de Messalla (item n° 30 et 30 bis).


- du faux Properce : le livre IV (voir Bibliog. item n°29).


- du faux Ovide : surtout dans les Fastes (voir Bibliog. item n°20), mais aussi dans les Métamorphoses (ainsi VIII, 231-259, calomnies sur Dédale, et X, 64-85, calomnies sur Orphée ; II, 367-389, calomnies sur Cygnus : voir Bibliog. item n° 28, 35, 40).

 

* Ajout du 17. 02. 01 au sujet d'Aen. X, 545-9 :


Anxuris ense sinistram / et totum clipei ferro deiecerat orbem; / dixerat ille aliquid magnum uimque adfore uerbo / crediderat caeloque animum fortasse ferebat / canitiemque sibi et longos promiserat annos.


Ces vers peuvent intriguer à un triple titre :


1 - La postériorité du premier plus-que-parfait (deiecerat) par rapport aux autres n'étant pas marquée, il en résulte une grande maladresse : « A- Enée avait tranché la main gauche d'Anxur... B- Celui-ci avait dit quelque chose de grand... »


2 - Le rapport logique entre A et B apparaît d'autant moins clairement que le sens exact de l'expression aliquid magnum dicere ne se laisse pas vraiment appréhender.


3 - Le genre d'ironie exercée à l'encontre du mutilé est pour le moins choquante de la part de Virgile : ironie méchante et gratuite (fortasse), voire absurde (car après tout, perdre une main ce n'est pas perdre sa vie), lourdement insistante, quasiment triomphante. Dans la longue série des massacres commis par Enée en ce chant X, on observe au contraire que le poète maintient toujours entre lui-même et son héros une distance respectable, ou plutôt horrifiée ; pas une fois il ne se moque des victimes du Troyen, laissant ce soin à l'acteur, qui, lui, en rajoute dans l'injure et le sarcasme.
Bref, tout se passe comme si Enée avait ici brusquement arraché à Virgile son calame pour s'exprimer à sa place, ou plus exactement pour le contraindre à prendre parti pour lui. Nous aurions sous les yeux un coup de force du personnage contre son auteur. Autrement dit, les vers X, 547-9 ne seraient pas dus à Virgile, mais à l'anti-Virgile, i.e. à celui qui d'une part voulait - et ne pouvait que- se reconnaître en Enée, et qui d'autre part avait la haute main sur l'édition du poème après la mort de son auteur.
Ajoutons que le aliquid magnum dicere (comme caelo animum ferre et uim adfore uerbo) pourrait précisément s'appliquer à un poète. Le faussaire aura pu aller à la pêche chez Horace (Sat. I, 4, 43 s. : cui mens diuinior; magna sonaturum; uis ...uerbis ... inest). On comparera le cas des méchants vers IX, 774-7, eux aussi fort suspects : cf. item 12, p. 41. Pour le ton, car c'est exactement le même, comparer les premiers vers d'Hor. Od. I, 28, adressés à Archytas-Virgile (le meurtrier est le locuteur : item n°34, 2é éd. , p. 74).

IV - Un indice matériel : l'aureus de M. Durmius

L'année même de la disparition de Virgile, Auguste fit émettre un aureus qui figurait au revers un crabe enserrant ce qui, à première vue, peut passer pour un papillon, mais qui, à un examen plus attentif, apparaîtrait plutôt comme un diptère du genre moustique (culex). Le lien avec la mort du poète n'a été établi qu'en 1930 par H. Mattingly (« The Date of Virgil's Death : A Numismatic Contribution », The Classical Review 44 , p. 57-59), et réaffirmé dernièrement par J.-L. Desnier (« Tenet nunc Parthenope », Latomus 54 [1995], p. 298-304), mais on l'interprète curieusement comme un hommage en dépit de la nature agressive d'une telle représentation. On peut voir un cliché de cette pièce de monnaie sur la couverture de La mort de Virgile  d'après Horace et Ovide, 2ème édition. Il faudrait toutefois se résigner à de pures conjectures s'il n'existait un poème bien connu intitulé précisément Culex, traditionnellement attribué à Virgile jeune, mais dont l'auteur est en réalité, comme on vient de le voir, Auguste en personne, et où celui-ci se livre à une attaque en règle contre le poète qu'il vient de tuer.

22.06.10: voir le commentaire d'Aleta Alekbarova sur cette fascinante pièce : 

http://golden-age.over-blog.com/5-index.html